Rien ne justifie le crime
Crimes, braquages et violence : imposer rigoureusement la loi et alourdir les sanctions
« Les peines de prison clémentes et non conformes à la gravité des délits commis ne font qu’inciter à la récidive ».
Nul, excepté peut-être les partisans d’un indéterminisme absolu, ne pourra sérieusement mettre en doute que les conditions économiques des individus, d’une classe sociale, d’un peuple, les besoins matériels et les moyens d’y pourvoir, la misère, l’aisance, l’abondance, jouent un rôle important dans la détermination de la conduite des hommes, de leurs actions bonnes ou mauvaises, sociales ou anti-sociales. Nul ne peut nier que ces conditions sont des éléments dans la composition du tableau criminologique que les sociétés actuelles continuent toujours à offrir au spectateur. Mais les nuances des opinions et des appréciations à ce sujet sont multiples à plus d’un point de vue.
La délinquance est un fait social qui n’épargne aucune société humaine. Mais l’universalité du phénomène n’exclut pas son évolution. La criminalité est aujourd’hui pour une large part, transnationale en raison de la mondialisation croissante de la planète, cela n’exclut pas des variantes régionales. Mais elle témoigne également du changement social qui agit sur l’évolution de la criminalité. Toutefois, rien ne justifie le crime.
Si le crime est, avant tout, un désordre moral fait de perversions volontaires, la société n’est pas obligée d’attendre qu’une sélection séculaire ait éliminé les organismes défectueux elle a le devoir de prendre tout de suite et de prendre continuellement des mesures pour ralentir la marche et atténuer la gravité du délit. Elle a le droit d’agir sur l’individu coupable car il serait étrange que tout le monde fût responsable du crime. Excepté celui qui l’a commis ! Constituant les infractions pénales les plus graves, les crimes sont aussi celles qui sont le plus lourdement sanctionnées. Il existe deux principales sanctions pour les crimes : la peine de prison et l’amende. La peine d’emprisonnement, en cas de braquage, n’a pas été augmentée. Des informations ont circulé selon lesquelles la peine d’emprisonnement, en cas de braquage, sera augmentée à 20 ans. En fait, la peine d’un braquage varie entre 3 et 5 ans de prison. Le juge peut l’alourdir en fonction des circonstances. Ainsi, sera puni de cinq ans d’emprisonnement et dix mille dinars d’amende quiqonque, pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un fait qualifié crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire.
Mesurée ou vécue, saisie dans ses effets sociaux ou éprouvée au vif d’existences vouées à l’arbitraire et à la répétition, la réalité des courtes peines d’incarcération dément le mythe d’une prison qui corrigerait et amenderait. Démasquer ce discours usé mais sans cesse renaissant est certes nécessaire, il faut toutefois comprendre comment sa critique même, par une étrange captation politique, devient une pièce dans l’action punitive, à mesure que le mythe de la dissuasion, lui, se réactive avec une force inédite. Passée du constat accablant à la menace sévère, l’idée que la prison n’offre aucun avenir et ne mène qu’à elle-même en est devenue son effrayante justification.
La prison est le lieu où l’imposition d’une discipline spécifique permet le redressement, l’amendement de personnes anormales perverties qui ont commis des infractions pénales. Il n’en reste pas moins que la prison demeure l’apanage majoritaire sinon exclusif d’hommes jeunes, peu diplômés, issus de l’immigration et/ou habitant des quartiers relégués. Davantage que tout autre pan du système, le flux des courtes peines illustre ainsi le fonctionnement de la prison comme lieu de gestion des illégalismes populaires et de construction de filières délinquantes. Les conditions socio-économiques doivent être améliorées dans certaines cités populaires qui servent de réservoir à de nouveaux types de délinquants agressifs et très violents.
Tout le monde est d’accord sur un point, à savoir que ce phénomène, qui a les dents longues, gagne du terrain et ne semble donc pas près de s’essouffler. En effet, la situation sécuritaire est au centre de l’actualité en Tunisie, sur fond d’une montée de délits et crimes attentatoires à l’ordre public. Braquages et agressions à l’arme blanche se sont multipliés ces derniers temps, la rue tunisienne en parle, et s’en méfie. « Ce phénomène a pris de l’ampleur après la révolution. Désormais, la police tunisienne a les mains liées. Les agents de sécurité ne peuvent plus intervenir librement et frapper fort contre ce phénomène, une chose qui était évidente auparavant.
« Quant à l’Etat, il doit penser à équiper les rues principales et les petites ruelles, avec des caméras de surveillance, pour produire des arguments solides, à même de conforter les avocats de la partie civile. Les citoyens sont appelés aussi à collaborer, en dénonçant de tels actes à la police, avec des preuves à l’appui… ». Décidément, les braqueurs tunisiens ont l’imagination fertile. Jamais en panne de solutions, ils innovent, créent et mettent en place les stratagèmes les plus diaboliques et les plus inattendus. Et ils le font dès que le danger les guette et limite leur champ d’action. Jusque-là, on les savait omniprésents sur la voie publique, c’est-à-dire devant les établissements scolaires, les édifices publics, les stations de bus et de métro, les parcours de santé, dans les rues commerçantes, bref là où il y a âme qui vive… Ils frappaient également devant les salles des fêtes, devant les mosquées, à l’intérieur même d’un taxi et aux environs des parcs de loisirs. Loin d’être assagis ou essoufflés par la fréquence montante des patrouilles policières, ils viennent de jeter leur dévolu sur d’autres victimes potentielles, à savoir les propriétaires des maisons et des dépôts, comme en témoigne le nombre sans cesse croissant des plaintes qui parviennent aux commissariats de police.
De nos jours, les Tunisiens doivent se montrer très vigilants quant à leur sécurité personnelle, car la criminalité à l’instar des actes de braquage et de violences gagne du terrain. De nombreux sociologues et experts sécuritaires ont, à maintes reprises, été alertées sur le fait que la criminalité en Tunisie a augmenté d’une manière notable, surtout après la Révolution. Ainsi, les actes de vol, de braquage et de viol représentent plus de 80 pour cent du nombre de délits enregistrés en Tunisie et que «leur hausse n’est pas près de s’arrêter à cause justement de la clémence des verdicts rendus par les tribunaux». Dès lors, une solution, une seule à notre sens, est envisageable : le durcissement des peines de prison, ce qui ferait la joie d’une population anxieuse et angoissée par l’avancée rampante de la criminalité dans le pays. Or, pour nos juristes, « l’application de la politique du bâton est tributaire de la volonté du gouvernement qui reste l’unique partie habilitée à introduire une telle réforme qui bouleverserait le paysage de la justice en Tunisie.
Les crimes en général qui ont leur origine dans la société constituent aujourd’hui une menace pour la communauté et nous sommes appelés à combattre ce fléau à tout prix. Et dans cette lutte, les médias doivent être impliqués davantage et collaborer avec les forces de sécurité afin de mettre l’accent sur l’augmentation du phénomène, mettre le doigt sur ses origines et informer le public sur les efforts mis en œuvre pour le combattre, sachant que la façon la plus efficace et la moins coûteuse pour prévenir le crime, c’est d’intervenir tôt pour aider aussi bien ceux qui risquent de devenir des criminels que les victimes potentielles…
Pour endiguer ce fléau, des efforts ont été préconisés et des recommandations faites au nombre desquelles, nous citerons : appliquer avec rigueur la loi et aggraver les sanctions, développer les connaissances dans un premier temps, aider les gouvernements à garantir la trilogie : sécurité efficacité et intégrité, briser le lien entre la criminalité et les conflits, prévoir des mesures de préventions de la criminalité dans l’intervention au niveau local, associer les entreprises privées à la solution.
En effet, rien ne sert de prendre des mesures si elles ne sont pas appliquées avec rigueur. La mission des pouvoirs publics est donc de faire tout ce qui, en respectant la liberté individuelle, peut amener la propagation de ce qui est bien et empêcher la propagation de ce qui est mal.
Jihen Mathlouthi
Juriste et universitaire en droit