Originalité du Statut d’Allié Majeur Non Membre de l’OTAN
Docteure Marwa CHERNI
Maitre assistante de l’enseignement supérieur à l’Académie militaire
La discipline des relations internationales est un sujet de débat et de controverses de plusieurs théories à l’instar de l’interdépendance, le courant marxiste et plus particulièrement l’esprit réaliste qui met en exergue l’aspect conflictuel et l’importance du rôle de l’État. C’est dans cette perspective que s’inscrit la vision réaliste de « l’existence d’un système international anarchique au sein duquel les États cherchent à maximiser leurs puissances». Dans ce même ordre d’idées, le politologue, l’historien et le père de réalisme Hans Morgenthau définit la politique internationale comme un effort continuel qui permet non seulement de maintenir et accroître la puissance de sa propre nation, mais aussi de restreindre ou réduire la puissance des autres nations.
De ce fait, cette discipline vise à analyser les rapports principalement inter-étatiques, en termes diplomatiques, des conditions géographiques, des mouvements démographiques, des intérêts économiques, financiers, militaires… et englobe l’étude scientifique des acteurs internationaux du système international et leurs différents aspects.
Initialement, le domaine des relations internationales était limité « aux questions de sécurité élémentaires (la protection du territoire et la guerre) ». C’est pour cette raison que certaines notions à l’instar de l’État, la puissance, la sécurité, les alliances… occupent le centre de l’étude en la matière. D’ailleurs, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord est un exemple type d’une alliance contemporaine qui cristallise tant la forme politique et militaire de la coopération que la suprématie des États-Unis.
Pour préserver son hégémonie, cette puissance établit, avec un nombre important d’États, différentes formes d’alliances notamment le statut d’allié majeur non membre de l’OTAN. Il s’agit d’un statut stratégique attribué exclusivement par les États-Unis. Cependant, la confusion qui se fait souvent entre ce statut et les autres statuts, notamment le statut d’un État membre de l’OTAN, nous invite à étudier le fondement juridique et les impératifs incitant les Américains à attribuer ce statut.
Le statut d’allié majeur non membre de l’OTAN: Une prérogative émanant exclusivement de la législation américaine
Le statut d’allié majeur non membre de l’OTAN est un système supplémentaire de coopération établi, en dehors du circuit de l’Alliance Atlantique avec les alliés qui ne font pas partie de cette organisation. C’est dans ce même sillage que le Titre 10 ‘‘Forces Armées’’ du Code des États-Unis, prévoit dans l’alinéa (i) (2) de la section 2350 relative aux ‘‘ Accords de recherche et développement en coopération: Organisation de l’OTAN; pays étrangers alliés et amis’’ que « l’expression ‘‘ principal allié non membre de l’OTAN ’’ désigne un pays (autre qu’un pays membre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) comme étant un allié important non membre de l’OTAN aux fins de la présente section (…) ».
D’ailleurs, la déclaration du Président B.Obama, à l’occasion de la désignation de la Tunisie comme allié majeur non membre de l’OTAN, confirme ces termes, lorsqu’il a mentionné que « conformément aux pouvoirs qui m’ont été conférés en tant que président par la section 517, de la loi sur l’Assistance Étrangère de 1961, telle que modifiée, je désigne par la présente la République Tunisienne comme allié majeur des États-Unis ne faisant pas partie de l’OTAN ».
Ainsi, le statut d’allié principal des États-Unis émane exclusivement de la législation américaine et la décision de son attribution demeure, selon l’article 517 de la Loi sur l’Assistance Étrangère de 1961, un avantage du pouvoir exécutif américain notamment le président des États-Unis. Par ailleurs, la section 2751 du Titre 22 du Code des États-Unis, stipule que ce dernier doit ‘‘seulement’’ informer le Congrès par écrit au moins 30 jours avant la désignation d’un État comme allié stratégique des États-Unis.
Toutefois, il importe de mentionner un exemple qui déroge cette règle. C’était le 30 septembre 2002, lorsque le Congrès a promulgué la loi relative à l’autorisation des relations étrangères, et a exigé que le Taïwan soit traité comme un allié majeur non membre de l’OTAN. En vertu de cette loi, le Président Bush a soumis, le 29 août 2003, une lettre désignant le Taïwan comme allié stratégique des États-Unis.
Le statut d’allié majeur non membre de l’OTAN versus le statut d’un État membre de l’OTAN !!
Le statut d’allié stratégique des États-Unis est une création américaine, apparu, officiellement, en 1989 dans la résolution Sam-Nunn. Donc, l’allié stratégique des États-Unis n’est pas un État membre de l’OTAN et, conformément à l’article 10 du Traité fondateur, ne peut pas adhérer à cette alliance s’il n’est pas un État européen. C’est pour cette raison qu’il n’inclut pas automatiquement le pacte de défense mutuelle inscrite dans l’article 5 malgré les avantages militaires et financiers accordés aux partenaires.
A quoi sert alors le statut d’allié majeur non membre de l’OTAN ??
L’alliance est par définition une association d’États établie dans des conditions précises apparues à un moment donné. Initialement, elle naît de l’émergence d’un ennemi commun qui exige le sentiment d’un danger pressant. En d’autres termes, l’alliance un choix hautement stratégique et juridique qui se traduit souvent par la reconnaissance de l’existence d’un ennemi commun et de l’apparition des alliés.
Évidemment, cette tendance est établie pour lier la tâche militaire et la finalité politique pour renforcer l’influence des États. Citons à titre d’exemple, les États-Unis d’Amérique qui visent à préserver leur suprématie vulnérable dans une société internationale multipolaire, à travers plusieurs formes d’alliances dont le statut d’allié majeur non membre de l’OTAN. Ce type d’alliance est destiné à créer une catégorie privilégiée de partenariat susceptible de revaloriser les liens avec les États avec lesquels les Américains coopèrent largement en matière de la défense et la sécurité.
En somme, l’octroi de ce statut se fonde sur la ‘‘solidarité idéologique’’ et l’étude des alliés au cas par cas en fonction de la conjoncture et du contexte en place. C’est ce qui nous permet de constater que les États-Unis et leurs alliés principaux non membres de l’OTAN partagent la configuration mutuelle d’allié de Trèfle, dans la mesure où :
– Généralement, l’allié stratégique a besoin d’un soutien économique, financier, technologique, et surtout militaro-sécuritaire à l’instar de la Tunisie, l’Égypte, le Maroc…
– Les États-Unis ont souvent besoin d’alliés stratégiques visant à renforcer leur puissance commerciale, et leur ancrage dans certaines régions clés. En d’autres termes, les États-Unis accordent ce statut à un nombre restreint des États qui favorisent leurs intérêts stratégiques, géopolitiques, militaires et sécuritaires et contribuent à préserver leur hégémonie. En l’espèce, l’attribution de ce statut au Japon et au Taïwan pour lutter contre l’émergence de la Chine en tant qu’une puissance internationale rivale, et au Pakistan pour favoriser leur intervention armée en Afghanistan dans le cadre de la lutte antiterrorisme.
En tout état de cause, ce statut constitue un instrument qui permet aux Américains de revaloriser leurs intérêts dans certaines régions clés à travers un programme d’aide visant à assurer le développement économique et social et de la sécurité intérieure et à d’autres fins, conformément des termes de la section 2350 (a) du Titre 10 du Code des États-Unis et la section 517 de la Loi de 1961. Dans cette même optique, la section 2350 (a) au Titre 10 ‘‘Forces Armées’’ prévoit l’instauration d’ une possible coopération, en matière du commerce de la défense et la Recherche et le Développement dans le domaine militaire, avec les alliés qui ne font pas partie de l’OTAN.
Cela veut dire que pour satisfaire certains besoins motivés par des exigences et des intérêts passagers ou perpétuels, les États-Unis s’engagent dans des alliances variables et diverses qui peuvent être offensives, défensives, temporaires, limitées, perpétuelles… Du coup, l’étude de ce type de partenariat exige la prise en compte du contexte national, l’environnement sécuritaire et les circonstances géopolitiques internationaux, puisqu’il pose plusieurs problématiques et traite un nombre important de distorsions et des lacunes de différentes natures.