« Le secret des Barcides » par Sami Mokaddem Le dernier tome tant attendu de la trilogie de Carthage
Certes, Hannibal est le Barcide le plus célèbre, le héros carthaginois universellement le plus connu pour sa bravoure et son sens du défi. Or, il n’était pas uniquement un chef de guerre chevronné qui avait ébranlé le royaume romain en traversant les Pyrénées et les Alpes avec une armée farouche de cavaliers et d’éléphants de guerre.
Et si Hannibal était aussi un époux romantique ou un poète rêveur? Imaginons qu’il avait déjà écrit à son épouse Himilcé (une princesse Ibère de Castulo où on célèbre chaque année la fête de leur mariage) un poème émouvant, pour lui confier son amour éternel. Et si ce poème contenait un code dont le déchiffrage révélerait l’un des secrets les plus surprenants de l’histoire ? Un secret dont les origines remontaient au roi Salomon et à Balkis la reine de Sabaâ.. Et puis si un jour, ce poème serait découvert chez un ancien militaire nazi déclenchant ainsi une suite vertigineuse d’événements en 2018?
A peine quelques mois près son premier roman en langue arabe, «Le cimetière des papillons », l’écrivain Sami Mokaddem baisse le rideau sur sa trilogie par la publication de son dernier tome «Le secret des Barcides», aux éditions Pop Libris. Synopsis : Sara et Soufien, les deux protagonistes du deuxième tome de la trilogie de Carthage, se trouvent impliqués dans une enquête déclenchée par trois meurtres horribles, dont les victimes étaient toutes des ingénieurs ayant participé à un mystérieux projet fantôme à l’époque du président déchu Ben Ali, un projet baptisé Athyna. Une série de pistes et d’indices se trouvent entremêlés dans la résolution de ces meurtres, passant par le décodage du poème d’Hannibal. Un roman bouleversant, chargé d’événements et d’informations peu connues de l’histoire tunisienne, et de références intéressantes, éveillant la curiosité du lecteur, qui ne lâchera sans doute pas ce livre sans avoir mille et une impressions frustrantes.
Comme d’habitude, Sami Mokkadem nous emporte avec la fluidité de son style, dans un roman polyphone, des chapitres courts, un compte à rebours haletant, un brin d’humour et une romance douce dans la même veine des autres tomes de la trilogie. On s’attache aux personnages, aux liens qu’ils tissent, à l’évolution de leurs personnalités au fil de l’histoire, au patriotisme dont ils font preuve, à leurs sacrifices et à leur dévouement total pour l’humanité.
S’il est vrai, que l’auteur a malheureusement annoncé qu’il s’agit bien du dernier tome de la trilogie, cela n’empêche ! On peut toujours continuer de rêver et d’espérer trouver de nouveau les protagonistes de la trilogie de Carthage dans ses prochaines œuvres !
La sérénade d’Ibrahim Santos
Un conte fabuleux de Yamen Manaï
Si vous préférez les livres à saveurs drôles et légères à l’image des contes de fées, on vous recommande « La sérénade d’Ibrahim Santos » de L’écrivain tunisien Yamen Manai. A l’image de « La marche de l’incertitude » et «L’amas ardent », ce roman a décroché plusieurs prix, notamment Prix Biblioblog, Prix de la Bastide, et Prix Alain Fournier. Ce livre écrit à l’imparfait, nous emmène au village Santa Clara, un village oublié, fondé par des ivrognes qui vivent hors du temps. Ce village, semblable à un paradis terrestre, et dont la vie de ses habitants est orchestrée au rythme des sérénades d’un musicien violoniste météorologue appelé Ibrahim Santos, produit un rhum magique envoûtant, en se basant sur des méthodes ancestrales ignorant ainsi toute forme de modernisation de l’agriculture.
Or, existe-il vraiment un paradis sur terre ? Certainement pas. Un démon viendra toujours gâcher cette paix utopique de Santa Clara. Un jour, le dictateur Alvaro Benitez goûte le rhum de ce village. Tombé sous sa magie et son effet euphorisant, il ordonne à ses ministres de trouver l’origine du rhum et donc de ce village inconnu par tout le monde. Une fois trouvé, il y envoie son ministre d’agriculture Alfonso Benitez (et comme tout dictateur, ses ministres ne sont que les membres de sa famille). Le choc était énorme pour ce dernier qui se trouve dans un village dont personne n’était au courant de la révolution fêtant déjà son vingtième anniversaire et du changement du régime politique, du président et de l’hymne national. Ainsi, il lui a fallu préparer le village et les villageois pour la visite du président.
Les préparations ont drôlement été faites à la hâte : changement de drapeau, de photos de l’ancien chef d’Etat, des noms des rues, et enfin faire apprendre aux habitants les nouvelles paroles de l’hymne national faisant l’éloge du nouveau sauveur du pays ! Enfin, cette visite n’était pas aussi dramatique. Le pire était l’arrivée du brillantissime ingénieur agronome Joaqu’n Calderon, chargé de la modernisation de l’agriculture afin de mieux exploiter le rhum de Santa Clara. De ce fait les prévisions métrologique d’Ibrahim Santos ont été remplacées par un baromètre moderne beaucoup plus fiable… Un changement brutal et catégorique qui va tracer une ligne de démarcation dans l’histoire paisible de Santa Clara…
Ce conte, aussi drôle et léger qu’il puisse paraître n’est enfin qu’une fable politique, philosophique qui se lit à plusieurs niveaux. En l’apparence, et dans un premier niveau, ce roman est une histoire amusante, parsemée de moments de joie et de bonne humeur avec un dénouement heureux comme c’est le cas pour les histoires berceuses racontées aux enfants. En puisant un peu plus profondément, on se rend compte que cette première couche occulte encore d’autres histoires, d’autres messages sous-jacents enfouis dans la beauté du lexique et le charme mots de l’écrivain.
Il est toujours pertinent de faire une projection sur le monde réel et décrypter le roman. Derrière le sarcasme, l’auteur dénonce la situation lamentable de certains pays du tiers monde gouvernés par des dictateurs qui se cachent derrière les slogans d’une pseudo-révolution pour satisfaire leur égo et leur cupidité. On pense déjà en lisant ce roman à la Tunisie au temps du président déchu Ben Ali, dont le profil coïncide parfaitement avec celui d’Alvaro Benitez. Rappelons que ce roman a été écrit avant la révolution tunisienne et publié en 2011 aux éditions Elyzad.
Enthousiaste, Yamen Manai nous fait part de ses angoisses et doutes, heureusement dissipés suite à la révolution, tout en espérant, dans la préface du livre, que « cette montagne de dignité n’accouche pas d’une nouvelle souris manipulatrice ». Sur un autre plan plus humanitaire, il critique dans un style sarcastique l’interventionnisme de l’Etat qui ne s’intéresse aux zones oubliées situées à la marge de la modernité que lorsque celles-ci peuvent être une source de richesse économique. De ce fait, en voulant s’enrichir davantage, il appauvrit ces régions et perturbe leur paix sociale. Enfin, l’auteur nous rappelle encore une fois que la nature est le véritable paradis que l’homme ne cesse de détruire à son gré, et que chaque surexploitation des ressources naturelles engendre inéluctablement des désastres quasiment irrémédiables.
Islam Hadj Sassi