La solidarité à l’épreuve au temps de la pandémie
Camus a écrit en 1947 dans « La Peste » qu’au cours des fléaux, « il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser ». Certainement, cette citation, intemporelle et si vraie demeure valable en 2019-2020, en parlant du Covid-19. La solidarité, une valeur humaine mise à l’épreuve depuis la propagation de la pandémie, mettant en jeu deux intérêts difficilement conciliables. La santé publique des citoyens en tant que souci prioritaire et l’économie fortement affectée par les mesures de confinement obligatoire et la suspension des activités des secteurs, moins vitaux. Non seulement les pays « pauvres » ont subi les répercussions de cette crise mais aussi les grandes puissances économiques. Les derniers mois, une vague de solidarité a envahi le monde. Un mouvement d’entraide constaté aussi bien au niveau des relations internationales qu’au niveau des relations individuelles.
La solidarité illusoire de l’Union européenne : l’Italie comme exemple
Au début du mois de mars, l’Italie était le pays européen le plus touché par le virus avec un taux alarmant de mortalité et de contamination. Un état déplorable et des centaines de morts au quotidien. Des appels de secours adressés à l’Union européenne. Des appels restés sans réponses. L’UE, a déçu l’Italie, l’un des pays fondateurs de cette communauté en 1957. Des italiens ont exprimé leur mécontentement, eu égard l’UE, en enlevant son drapeau hissé à côté du drapeau italien. La présidente de la commission européenne s’est excusée auprès de l’Italie à cause de son inaction. Des excuses un peu tardives, selon l’Italie, annonçant l’avènement d’une nouvelle ère de relations intercommunautaires tendues à l’avenir. D’autres pays, ont fait preuve de solidarité, comme la Russie, la Chine, et même la Tunisie, qui a envoyé une équipe de médecins et d’infirmiers pour épauler leurs confrères italiens en Lombardie. Un geste très saluée par les médias internationaux et approfondissant les relations Tuniso-italiennes. Rappelant dans le même contexte que l’Italie a octroyé un don de 50 millions d’euros, pour l’aider à lutter contre le Coronavirus.
La Tunisie, la santé publique et l’économie : une équation délicate
Quoique la situation demeure, heureusement, incomparable par rapport à plusieurs autres pays ravagés par le Covid-19, les dégâts socio-économiques résultant des mesures de confinement, sont assez importants, pour adoucir la réalité.. A côté de la suspension totale de plusieurs secteurs économiques, le nombre des familles démunies, ainsi que le nombre des chômeurs est considérablement élevé. Sur le plan sanitaire, le manque des lits à réanimation dans les hôpitaux et les CHU, a mis en doute la capacité de la Tunisie de contourner et de faire face à une propagation démesurée du virus. Des soucis bien fondés: l’état des lieux du secteur de la santé publique est déplorable, soixante-quatre ans après l’indépendance. Près de 220 lits de réanimation pour douze millions de population ! Or, c’est vrai, il est temps de réévaluer les exploits de l’Etat dans ce secteur vital, mais ce n’est pas le temps. Des solutions d’urgences se sont imposées…C’est le temps de la solidarité comme l’avait dit le chef du Gouvernement dans son discours du 19 avril 2020. Ensuite, ça serait le temps pour les sacrifices. Sinon, entre temps, entre l’économique et le sanitaire, il faut ajuster les mesures pour que les vies soient sauvées tout en assumant le prix à payer ultérieurement.
187 millions de dinars collectés au profit du Fonds de lutte contre le Covid-19
Pour faire face à ces urgences, l’Etat a fait appel aux dons au profit du Fonds de lutte contre le Coronavirus. Un téléthon Corona a été lancé par la télévision nationale, le 20 mars 2020. Plusieurs, célébrités et des sociétés y ont participé. Près de 27 millions de dinars y ont été collectés. Notons que jusqu’au 15 avril 2020, la somme des dons versés a dépassé 186 millions de dinars. Plusieurs célébrités, des artistes, des sportifs, et des politiciens ont fait des dons au profit de ce fonds. De même la contribution des groupes de sociétés, notamment les établissements financiers est très remarquables. Un homme d’affaires a pris en charge la construction d’une unité Covid-19, à l’hôpital de Sehloul. Une unité bâtie en un temps record, en 15 jours exactement, équipée par d’autres hommes d’affaires de la région afin d’accueillir une trentaine de malades atteints par le virus. Mis à part l’équipement des hôpitaux et les sommes dédiées au Ministère de la santé publique, l’Etat a pris plusieurs mesures au profit des familles démunies : 200 dinars à titre d’aides sociales (avril- mai) et des dons réels qui iront soulager au cours du mois de mai 80 000 bénéficiaires selon le Chef du Gouvernement.
La société civile s’organise pour épauler les efforts de l’Etat
Les efforts de l’Etat, ont été consolidés par l’intervention de la société civile et des bénévoles : des collectes de produits d’hygiène et des produits alimentaires au niveau des écoles primaires, le ravitaillement de la communauté migrante, particulièrement africaine, la distribution des dons aux personnes âgées qui ne peuvent pas se déplacer, ou tout simplement la veille sur le respect des mesures préventives devant les espaces publics…Rappelons que malgré les vols de rapatriement organisés, des centaines de tunisiens à l’étranger n’ont pas pu rejoindre leurs familles en Tunisie. Heureusement, la solidarité entre tunisiens, n’a pas de frontières. Des associations tunisiennes actives en France, notamment l’association franco-tunisienne « Aigle de Carthage » représentée par Mr Jalel Loussaief, ont été au rendez vous aussi pour soutenir les étudiants tunisiens à Metz en difficulté financière à cause du confinement ou ceux qui n’ont pas pu rentrer en Tunisie, en leur procurant les produits de première nécessité et des repas.
Une vague de solidarité à Sfax
A Sfax, les initiatives ne manquent pas. Pour commencer, tous les comités du Croissant rouge tunisien ont été sur le terrain pour la collecte et la distribution des dons. Les bénévoles du réseau RADROS, ont visité la plupart des régions de Sfax, en participant à des campagnes de stérilisation des espaces publics et à la livraison des dons et des équipements nécessaires à l’hôpital de Kerkernnah par exemple et d’autres établissements sanitaires. D’autres associations ont opté pour la réalisation et la diffusion des spots de sensibilisation. La Ligue tunisienne des Droits de l’Homme avec ses deux comités, Tunisie Terre d’Asile, l’association innocence et le forum sfaxien des arts et cultures, à côté du CRT Comité Sfax Sud, ont aidé près de 250 familles, entre autres des migrants africains résidant à Sfax. De même, l’association caritative Baya, dont l’objectif principal est le secours prodigué aux familles démunies à Sfax, a élargi son domaine d’intervention en contribuant dans la collecte des équipements médicaux en collaboration avec le Syndicat des médecins. De même, elle a accueilli dans ses locaux les dons de plusieurs sociétés. …
Des bénévoles confectionnent gratuitement des bavettes de protection et d’autres s’auto-confinent …
Sans doute, les crises mettent à l’épreuve les valeurs humaines, comme la solidarité, l’abnégation et le sacrifice. Des valeurs nobles, au même titre que la noblesse des tunisiens et leur humanisme. A ne citer pour finir que l’exemple des ouvrières d’une usine de fabrication des produits de protection contre le Coronavirus. Depuis la deuxième semaine du mois de mars, elles ont choisi de s’auto-confiner ensemble au sein de l’usine, en quittant leurs familles, afin de veiller sur le bon déroulement de la confection de ces équipement, désormais vitaux pour la survie des Tunisiens. Avec le prolongement du confinement obligatoire jusqu’au 3 mai et le déconfinement sélectif qui aura lieu à partir du 4 mai, mettre une bavette est une mesure de prévention d’une extrême importance. Et même avant cette date, plusieurs usines ont préparé gratuitement des bavettes surtout au profit du cadre médical aux hôpitaux, en attendant que le processus de confection atteigne la vitesse de croisière, pour emprunter les termes du Chef du Gouvernement.
D’ici la fin de cette crise, il ne faut jamais lâcher prise sachant que le mois de Ramadan coïncide avec le « pic » du confinement. Il faudra continuer dans la même voie de solidarité et d’entraide pour s’en sortir tous, ensemble, sains et saufs.
Esleme Hadj SASSI