Hommage à feu Tahar Fakhfakh
Ce soir, j’aimerai rendre hommage à l’un des premiers professeurs de médecine spécialiste en ophtalmologie, feu Tahar Fakhfakh qui nous a quitté en octobre 1996, il y a déjà 24 ans…
Né en janvier 1915, il fit ses études primaire et secondaire à Sfax puis des études de médecine à Paris durant la seconde guerre mondiale où il a été chef de clinique en 1944/45… En 1947, il rentre à Sfax pour pratiquer son métier à l’hôpital de Sfax à l’époque du protectorat français où il était l’un des rares médecins tunisiens…
Il épouse la même année, une sahélienne, Badra Ben Hamida dont le frère deviendra chercheur à l’institut Pasteur (Feu Fakhreddine Ben Hamida) et belle-soeur de son confrère et ami, Docteur Ali Skandrani. Sa sœur aînée, « Rafika Ben Hamida » fut, l’épouse d’un des premiers pharmaciens de Sfax, Taoufik Rekik (Allah yarhamhom)… Et Ils eurent deux filles; Samia et Raja Fakhfakh…
Après, l’indépendance; il devint très vite directeur de l’hôpital Hédi Chaker et contribuera à y développer le service d’ophtalmologie mais aussi, la plupart des autres services des diverses spécialités de médecine ainsi que le laboratoire d’analyses toujours en faisant appel, à tous les premiers jeunes spécialistes fraîchement diplômés des universités françaises…
Il était soucieux de soigner les gens de condition modeste, les plus démunis surtout qu’ à l’époque, le seuil de pauvreté était élevé et la famine fréquente… Très respectueux envers le serment d’Hippocrate , il estimait que le but d’un médecin n’est pas de s’enrichir, mais de soigner et de guérir sans penser à la contrepartie financière, avec un total désintérêt pour l’argent… Ainsi, il contribua à éradiquer les épidémies et les maladies des yeux dont, celle du TRACHOME (ERMAD) et bien d’autres qui rendaient bon nombre d’enfants aveugles…
Cet engagement en tant que médecin de la santé publique ne se limitait pas seulement à Sfax, mais sur l’ensemble du grand Sud tunisien, intégré au sein de l’aire de l’hôpital Régional Hédi Chaker de Sfax et du Sud tunisien comme l’indique bien son nom…
N’ayant pratiquement pas travailler (sinon pendant une très courte durée) dans le « privé », il estimait que le salaire de l’hôpital lui suffisait amplement pour bien vivre et que la priorité était de développer le service de santé publique afin de soigner le plus grand nombre de citoyens et former de jeunes assistants pour cette noble mission…
En somme, il pratiquait une sorte de médecine humanitaire pour sa propre région avec sérieux, dévouement, passion et humanisme… Humble et modeste, il n’a jamais recherché le gain, ni la célébrité et encore moins la reconnaissance des élus locaux et nationaux…
Son combat pour obtenir l’autorisation de construire la faculté de médecine de Sfax avec d’autres professeurs de médecine et chefs de service, ne fut pas facile car le lobby politique du Sahel (sans nommer les personnes) était très hostile et déterminé à mettre les bâtons dans les roues pour développer la médecine à Sfax et tout le Sud tunisien puisque Sfax était la capitale du Sud… Parmi ses actions humanitaires, il dirigea le croissant rouge de Sfax avec son grand ami feu Mustapha Fourati qui en était le président (et le docteur Ali Fourati était lui, le président du croissant rouge tunisien de l’ensemble du pays).
A son actif, il faut rajouter aussi: l’aménagement du centre d’hygiène (sorte d’institut Pasteur à Sfax), l’école de la santé publique, et bien entendu la banque du sang, et ce, avec l’aide et le soutien de ses amis les plus fidèles feu Mustapha Fourati (chef du service ORL) et feu Sadok Fendri qu’il avait lui même contacté pour fonder le laboratoire d’analyse de l’hôpital Hédi Chaker en 1957 (pharmacien diplômé à Nancy et formé en biologie à la suite d’un stage à l’institut Pasteur de Tunis, sous le patronage de feu Docteur Omor Chedly) et ce, avec l’aval du président Bourguiba qu’il connaissait en tant que destourien et jeune militant pour l’indépendance de la Tunisie …
Outre son efficacité et son intelligence en médecine, Tahar Fakhfakh était un homme doté d’une grande culture générale et un grand amoureux de la littérature… Il lisait chaque jour le journal « Le Monde et aimait recevoir ses amis pour discuter de l’actualité politique, économique, sociale, culturelle… Fin musicien, il fut l’ami du célèbre chanteur, compositeur et poète, feu Mohamed Jamoussi, ingénieur de formation qu’il connut lors de ses études à Paris…
Sincère, chaleureux, simple, généreux avec les pauvres, aimable, humble et modeste, il fut pour sa ville le pionnier de l’ophtalmologie et compte parmi les premiers médecins qui ont bâti l’hôpital public à Sfax avec le plus grand des humanismes et un immense patriotisme comme il n’en n’existe plus de nos jours… Paix à son âme et que Dieu le tout puissant, l’accueille dans son éternel paradis ainsi que sa tendre et douce épouse « lella Badra »… Et comme dit le proverbe: « Derrière tout grand Homme, il y a une grande dame »….
Sonia Fendri Ben Ayed