La couleur du monde Par Rafik Ben Zina
La municipalité de Sfax procédera bientôt à l’installation d’un réseau de
signalisation lumineuse dans la ville. On s’arrêtera désormais au rouge, on
« foncera » au vert et on redoublera d’attention au feu orange.
A propos, notre équipe en a vu de toutes les couleurs lorsqu’il s’est agi de
persuader certains d’aider matériellement notre Gazette à paraître. D’aucuns
voulaient voir la couleur du journal avant de payer, d’autres nous ont fait des
sourires jaunes, d’autres enfin, les plus délicats, nous ont encouragés « vert-
pâlement ».
Heureusement que l’écrasante majorité de nos futurs lecteurs ne broie pas du
noir, et nous comptons sur ceux-là pour ne pas faire « choux-blanc ».
Parler des couleurs nous entraînera bien loin !… A propos les « casques bleus »
continuent à faire tampon entre israéliens et Arabes. Et tandis que Israël ne
voit pas la vie en rose, l’or noir continue à faire pâlir les fausses rosières.
Pendant que certaines puissances continuent à essayer de se blanchir la
conscience, rouge continue à être le sang des Palestiniens qu’on bombarde au
Liban arabe… A propos la crise économique qui se profile sur « la ligne bleue
des Vosges », fait qu’on ne « tartine » plus les gens de « péril jaune », mais
plutôt de ces sa… d’arables qui sont responsables de la « grisaille économiques
mondiale ». Ils ont bon dos les Arabes ! On veut même les faire passer pour de
nouvelles… « chemises brunes ».
Certaine presse – et vous savez laquelle – reproduit avec extase les menaces de
« couper le blé » aux Arabes, l’anti-révolution verte, quoi ! – d’occuper manu
militari leurs puits de pétrole. Mais les Arabes ne passent pas pour autant des
nuits blanches. Les Arabes commencent à comprendre : leur conscience
s’aiguise : Ils quittent le clair-obscur dans lequel les a confinés une conjoncture
qui n’a que trop duré.
Ils savent maintenant qu’avec l’or noir, la matière grise et des mains blanches,
on peut épouser la couleur de son temps et – pourquoi pas ? – voir la vie en
rose.
NDLR : Paix à ton âme, cher Rafik. Les Sfaxiens n’oublieront guère la finesse de ton humour
ni la rigueur de ton jugement…
Repose en paix RBZ, ton souvenir ne périra jamais.
La Gazette du 2 Janvier 1975