Succes Story : Rencontre avec Dr Hamdi Mbarek
Interview accordée à Dr Salma Ben Jamaa Ktari
Docteur Hamdi Mbarek est un chercheur en génétique moléculaire et génomique. Il a fait ses études primaires, secondaires et universitaires en Tunisie. Du coup il se considère comme étant un pur produit du systeme éducatif tunisien. Après une maitrise en science de la vie de la Faculté des Sciences de Tunis en 2004, un master en génomique à l’Université Paris Sud 11 en France , notre jeune chercheur a fait 3 ans en études doctorales alternant recherche et enseignement, au bout desquelles il a obtenu un doctorat en Biologie moléculaire et cellulaire de l’université Evry Val-d’Essonne avant d’entamer une étape qu’il considère importante avec les projets de recherche postdoctorale, le 1er étant au pays du soleil-levant au centre de Genome Human à l’Université de Tokyo où il a côtoyé des chercheurs de renommée et a appris les technologies d’analyses génomiques de pointes et à grande échelle, et le 2ème aux Pays-Bas à l’université VU d’Amsterdam en 2012.
Des années de recherches fructueuses sur la génétique de maladies complexes, dites aussi multifactorielles( impliquant à la fois des facteurs génétiques et de l’environnement), qui ont abouti à la découverte de certains gènes de susceptibilité à un nombre de maladies complexes constituant aujourd’hui un grand problème de santé publique, telles que les maladies auto-immunes, neuropsychiatriques, reproductives, etc .
En marge de sa participation à la Conférence Mondiale de la Médecine de Précision, nous l’avons interviewé pour vous :
–S.BJK : Parlez-nous un peu de vos recherches en cours ?
H.M : Chaque jour il y a des percées dans la recherche soit à travers des outils technologiques innovants facilitant le décryptage du génome humain soit via l’identification de nouveaux gènes de prédisposition à une pathologie ou un comportement particulier dont on connait très peu l’étiologie. En ce qui concerne mon projet de recherche, je conduis une Collaboration Internationale (regroupant plus de 50 chercheurs en Europe, Amérique, Asie et l’Australie) sur la génétique de jumeaux fraternels. Les jumeaux ont fasciné l’humanité au cours des siècles. Les cas de naissances gémellaires sont relativement fréquents et se produisent plus qu’une fois par 100 maternités. Environ les deux tiers de toutes les paires de jumeaux sont des jumeaux dizygotes ou de « faux » jumeaux et sont génétiquement aussi semblables que d’autres frères et sœurs. Il a été fermement établi que les jumeaux dizygotes ont une prédisposition génétique maternelle mais personne n’a réussi à identifier les gènes de jumeaux fraternels spontanés (sans procréation médicalement assistée) après des décennies de recherche. Grâce à cette collaboration, on a pu identifier en 2016, deux gènes qui augmentent la chance pour les mères d’avoir des jumeaux fraternels. L’un de ces gènes a aussi des effets significatifs sur les mesures de la fécondité, y compris l’âge de la première menstruation d’une fille, l’âge à la ménopause, le nombre d’enfants, et l’âge au premier (et dernier) enfant, mais aussi sur le syndrome des ovaires polykystiques, qui est une importante cause de l’infertilité chez les femmes. On ne s’est pas arrêté là, on a continué nos efforts depuis et on a pu augmenter le nombre de participants très significativement. Cela a abouti à la découverte de plusieurs autres gènes et mécanismes liés à la fertilité chez la femme et pouvant jouer un rôle important dans la médecine de précision. Pour en savoir plus sur mes publications https://www.facebook.com/drhamdimbarek/
–S.BJK : Vous venez juste de participer à la Conférence Mondiale de la médecine de précision, pourriez-vous mettre davantage de lumière sur cette discipline et sur votre participation ?
H.M : La Conférence Mondiale de la Médecine de Précision s’est tenue le mois dernier du 21 au 24 Janvier à Silicon Valley en Californie. (PMWC «Precision Medicine World Conference») est la plus grande conférence annuelle dédiée à la médecine de précision. La mission de PMWC est de rassembler des leaders reconnus, des chercheurs et des professionnels de la santé et des innovateurs dans les secteurs des soins de santé et de la biotechnologie pour présenter un contenu pratique qui aide à combler le fossé des connaissances entre les différents secteurs, catalysant ainsi la fertilisation et la collaboration inter fonctionnelles dans un effort pour accélérer le développement et la diffusion de la médecine de précision. Cette conférence est reconnue depuis 2009 comme étant une pierre angulaire vitale pour tous les constituants de la communauté des soins de santé et de la biotechnologie, PMWC fournit un forum exceptionnel pour l’échange d’informations sur les dernières avancées technologiques (par exemple la technologie de séquençage de l’ADN), dans la mise en œuvre clinique (par exemple le cancer et au-delà), la recherche et tous les aspects liés au secteur de la réglementation. Ma participation était dans le cadre d’échange de savoir entre chercheurs et médecins autour de l’utilisation de données génomiques pour améliorer et personnaliser le traitement des maladies.
– S.BJK : Comment est-ce que la Médecine de Précision pourrait changer en thérapeutique ?
H.M : Le pouvoir de la médecine de précision réside dans sa capacité à orienter les décisions en matière de soins de santé vers le traitement le plus efficace pour un patient donné, et donc à améliorer la qualité des soins, tout en réduisant le besoin de tests de diagnostic et de thérapies inutiles.
–S.BJK : Vous aviez évoqué un certain nombre de défis éthiques, sociétaux et juridiques majeurs à relever entre temps, vous pourriez préciser ?
H.M : La médecine de précision est un domaine jeune et en pleine croissance. Bon nombre des technologies qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs de la médecine de précision sont aux premiers stades de développement ou n’ont pas encore été développées. Par exemple, les chercheurs devront trouver des moyens de normaliser la collecte de données cliniques et hospitalières auprès des participants. Ils devront également concevoir des bases de données pour stocker efficacement de grandes quantités de données sur les patients.
La médecine de précision soulève également des problèmes éthiques, sociaux et juridiques. Il sera essentiel de trouver des moyens de protéger la vie privée des participants et la confidentialité de leurs informations de santé. Les participants devront comprendre les risques et les avantages de participer à la recherche, ce qui signifie que les chercheurs devront développer un processus rigoureux de consentement éclairé.
Le coût est également un problème avec la médecine de précision. Des technologies telles que le séquençage de grandes quantités d’ADN sont coûteuses à réaliser (bien que le coût du séquençage diminue rapidement). De plus, les médicaments développés pour cibler les caractéristiques génétiques ou moléculaires d’une personne sont susceptibles d’être coûteux. Le remboursement par des tiers payeurs (comme les compagnies d’assurance privées) de ces médicaments ciblés est également susceptible de devenir un problème.
Si les approches de médecine de précision doivent faire partie des soins de santé de routine, les médecins et autres prestataires de soins de santé devront en savoir plus sur la génétique moléculaire et la biochimie. Ils auront de plus en plus besoin d’interpréter les résultats des tests génétiques, de comprendre en quoi ces informations sont pertinentes pour les approches de traitement ou de prévention et de transmettre ces connaissances aux patients.
–S.BJK : D’après vous cela pourrait-il être extrapolable en Tunisie ?
H.M : Je dirai oui, mais il faut tout d’abord préparer le terrain pour la mise en œuvre de la Médecine de Précision. L’Etat bien évidement doit augmenter ses investissements consacrés à la santé, l’Education et la Recherche. Les acteurs de ces domaines doivent travailler ensemble pour élaborer cette stratégie et pourquoi pas dans un future proche créer un Institut de Médecine de Précision!
Par Salma Ben Jamaa Ktari