Salah Ben Youssef et les Youssefistes: Un livre qui reconstitue des enchaînements et explique des transformations
Rivalité entre deux chefs du Néo-Destour, Habib Bourguiba et Salah Ben Youssef, ou conflit politique, social et culturel qui a divisé les Tunisiens, au tournant de l’indépendance ? Longtemps, la question youssefiste a été limitée à un conflit personnel, sans faire l’objet d’un questionnement plus profond, mettant en confrontation le panarabisme et la « tunisienneté ». Et sans explorer une compétition sur le pouvoir et sa distribution. Plus encore, les prémisses d’un pouvoir personnel.
M’hamed Ould Ali, professeur des Universités à Science Po, et agrégé d’histoire, pose à ce sujet une série de questionnements pertinents et apporte des éclairages instructifs. Dans un livre intitulé « Salah Ben Youssef et les Youssefistes. Au tournant de l’indépendance tunisienne 1955 – 1956 », publié chez Cérès Editions », il traite sans parti-pris une « question sensible ». Il s’appuie sur une abondante documentation dont les archives nationales tunisiennes, celles du ministère français des Affaires étrangères et du Service historique de l’armée de terre en France. Des photos inédites viennent illustrer ses propos.
L’ouvrage est structuré en trois chapitres: l’homme de la « discorde, la Tunisie youssefiste et la dissolution du mouvement youssefiste. Tour-à-tour, l’auteur brosse un portrait bien renseigné de Salah Ben Youssef, s’attardant sur ses origines djerbiennes et ses alliances bourgeoises, ses années parisiennes, son engagement aux cotés de Bourguiba, les épreuves endurées en prison et en exil… Il revient également sur son installation par deux fois au Caire et ses prises de position. L’ouvrage s’emploie également à étudier la société et le pays youssefistes, avant de revenir sur le conflit d’abord latent puis ouvert avec Bourguiba.
Rupture, traque et assassinat
Le congrès du Néo-Destour à Sfax, le 15 novembre 1955, sera le point de rupture. Salah Ben Youssef, informé de son arrestation imminente, s’enfuira en Libye, puis en Egypte. Commence alors une rude répression qui n’épargnera pas les siens, avec son lot de violence et de règlements de compte, et de procès marqué par des condamnations à mort, pour aboutir à l’assassinat de Salah Ben Youssef, le 12 août 1961 à Francfort.
Le récit des années 1955 – 1956 est détaillé, précis, fondé sur des documents de première main. Pièce par pièce, l’auteur s’emploie à trouver réponses à différentes questions restées jusque-là suspendues. Sa description des principaux acteurs, tant du mouvement youssefistes que de la traque à leur encontre, apporte, elle aussi de nouveaux éclairages. Tout comme l’évocation du rôle de la France, d’un côté et de celui de l’Egypte, de l’autre. Au nom de l’unité nationale, dans un pays fragile qui aborde ses premiers pas sur la voie de l’indépendance, l’étouffement de toute expression différente, traitée de « discorde » peut-il trouver sa justification ? Jusqu’à la dernière ligne, le livre de M’hamed Oualdi, ne cessera d’interpeller le lecteur.
Salah Ben Youssef et les Youssefistes
Au tournant de l’indépendance tunisienne 1955 – 1956
Cérès Editions, octobre 2022, 232 pages, 25 DT
En librairies et sur ceresbookshop.com/fr/
Source: leaders