Slim Besbes: Les nouvelles mesures relatives à l’amélioration de l’efficacité de la réalisation des projets publics et privés
Par Slim Besbes. Le décret-loi n° 2022-68 du 19 octobre 2022, publié au JORT n° 114 du 21 Octobre 2022, a pour objectif d’édicter des dispositions spéciales relatives à l’accélération de la réalisation des projets publics et à la promotion des projets du secteur privé en vue de répondre aux priorités du développement économique et social au niveau national et régional.
Selon l’exposé des motifs, la préparation de ce texte s’insère dans le cadre des mesures urgentes pour la relance de l’économie, la reprise du rythme de la croissance, la promotion de l’investissement, la préservation du tissu des entreprises et l’amélioration du climat des affaires, et ce afin de faire face au contexte exceptionnel qui marque l’économie nationale et internationale.
Ce décret-loi renferme une série de mesures qui visent l’amélioration de l’efficacité de l’exécution des projets publics et privés, la promotion de l’investissement privé et la restauration de la confiance des investisseurs tunisiens et étrangers.
I/ Accélération de la réalisation des projets publics et préférence nationale
1) La réduction des délais de l’exécution des projets publics
1- Création d’une commission supérieure nommée «commission supérieure pour l’accélération de la réalisation des projets publics» présidée par le Chef du Gouvernement ou celui qui le supplée, chargée de trouver les solutions appropriées pour accélérer la réalisation des projets publics et décider des mesures permettant de surmonter les problématiques rencontrées.
2- Adoption de la formule «clé en main» dans le domaine des marchés publics sur la base d’une liste de projets publics programmés qui sera fixée par arrêté du Chef du Gouvernement.
3- Exemption des marchés publics, financés par les organismes et institutions de financement extérieurs, du contrôle préalable des commissions de contrôle des marchés publics.
4- Possibilité de recours au lancement d’appels d’offres avec financement. Dans ce cas, le pourcentage de financement requis doit être fixé dans le cahier des charges, et les soumissionnaires sont appelés à soumettre des offres financières sans proposition de financement, et d’autres avec proposition de financement.
5- Possibilité de recours à des experts ou à des bureaux d’assistance technique pendant tout au long du processus de préparation, de la conclusion et de l’exécution des marchés publics conformément aux conditions et modalités fixées par arrêté du Chef du Gouvernement.
6- Possibilité d’octroi d’une avance dans la limite de 20% et non inférieure à 10% pour les marchés de travaux, des études et de fourniture de biens et services conformément à la législation et la règlementation en vigueur.
7- Création auprès de la Haute Instance de la commande publique d’une unité chargée exclusivement de l’audit des marchés publics financés par les organismes et institutions de financement extérieurs.
2) Incitation des entreprises tunisiennes et des STARTUPS et octroi de la préférence aux entreprises nationales.
8- Réservation d’un pourcentage dans la limite de 10% annuellement au profit des Startups, telles que définies par la loi n° 2018-20 du 17 avril 2018, relative aux Startups, ou au profit des achats innovants, de la valeur prévisionnelle des marchés d’études, de travaux et de fournitures de biens et de services.
9- Obligation de mentionner dans les cahiers des charges de l’obligation du recours des soumissionnaires étrangers à des entreprises locales pour la réalisation d’un pourcentage minimum de 20% de la valeur des commandes ou bien la fourniture des biens, équipements et services et ce dans tous les cas où les industries et les entreprises locales sont susceptibles de répondre à un pourcentage qui n’est pas inférieur à 20%.
10- Octroi d’une préférence de 20% du prix global du marché au profit des offres des opérateurs économiques tunisiens au titre des marchés d’études, travaux et fourniture de biens et services, par rapport aux offres des opérateurs économiques étrangers.
11- Octroi d’une préférence aux produits d’origine tunisienne dans tous les marchés de fourniture de biens par rapport à tous les autres produits quel qu’en soit l’origine pour vu qu’ils soient de qualité égale et sans que les prix des produits tunisiens ne dépassent ceux de leurs homologues étrangers de 20%.
3) L’amélioration de l’efficacité du système des marchés publics
12- Restitution du cautionnement définitif ou son reliquat au titulaire du marché, à condition que ce dernier se soit acquitté de toutes ses obligations, avec le respect des délais règlementaires. Le procès-verbal définitif remplace l’attestation de mainlevée auprès de l’institution financière qui a accordé la caution.
13- Obligation d’adresser toutes les offres à travers le système d’achat en ligne TUNEPS, y compris celles relatives à la désignation des concepteurs pour les projets de bâtiment civil. En cas de dépassement de la capacité technique maximale autorisée par le système, il est possible de soumettre une partie de l’offre technique hors ligne.
14- Renonciation systématique aux pénalités de retard dues au titre des marchés publics en cours et non encore payées, et liés directement ou indirectement à la propagation du Coronavirus « Covid-19 » enregistrés entre le 23 mars 2020 et le 31 décembre 2022, sous réserve des dispositions de l’article 72 du décret-loi n°2021-21 du 28 décembre 2021, relatif à la loi des finances pour l’année 2022.
15- Permettre aux entreprises résidentes de présenter des offres financières en monnaie étrangère pour les produits, matériels, équipements importés et non fabriqués localement.
16- Réduction des délais des procédures de changement de vocation des terres agricoles à une durée maximum de trois mois pour les projets publics exécutés par les organismes publics, et ce à l’instar des projets du secteur privé.
II/ Relance de l’investissement privé
1) Appui aux projets réalisés dans le cadre du partenariat entre le secteur public et le secteur privé et des projets des énergies renouvelables
17- Clarifications des mesures relatives aux engagements financiers du concédant dans le cadre des offres spontanées.
18- Assouplissement des conditions d’exécution des projets réalisés dans le cadre du PPP à travers la seule réception par la personne publique des ouvrages ou équipements ou bâtiments objet du contrat de partenariat, au lieu de la réception définitive au moment du paiement de la contrepartie, et ce, à condition de la réalisation des objectifs de performance imputés à la société du projet et que les ouvrages et les équipements soient prêtes conformément aux conditions contractuelles.
19- Assouplissement de l’exécution des projets des énergies renouvelables à travers l’autorisation, le cas échéant, de la réalisation de ces projets sur des parcelles du domaine public agricole et non agricole ou des collectivités locales dans le cadre des contrats de location sous réserve de la législation relative aux domaines militaires.
20- Non exigence du changement d’affectation des terres agricoles pour la réalisation des projets de production de l’électricité des énergies renouvelables.
21- Possibilité de la prise en charge par l’organisme public des dépenses relatives au raccordement de l’unité de production au réseau national de l’électricité et les dépenses de consolidation dudit réseau, au cas où le site de production est proposé par l’Etat.
22- Création au profit du producteur de l’électricité des énergies renouvelables d’un droit réel spécial sur les bâtiments, ouvrages et équipements nécessaires pour l’exécution du projet sans s’étendre à la terre, dans le cas de réalisation du projet sur des parcelles du domaine de l’Etat public ou privé.
2) Relance de l’investissement dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et développement de l’infrastructure de base et technologie
23- Suppression du seuil maximum de la participation étrangère (66% actuellement) dans les sociétés constituées conformément à la législation tunisienne en vigueur et ayant son siège principal en Tunisie et qui exploitent les terres agricoles par bail pour la réalisation de projets agricoles.
24- Permettre à l’Agence foncière industrielle de:
• Bénéficier de la vente au dinar symbolique du domaine privé immobilier de l’Etat ou des collectivités locales.
• Réaliser et aménager des zones industrielles intégrées dotées de tous les services nécessaires pour l’instauration de projets et la construction de bâtiments industriels destinés à la vente ou à la location et les mettre à la disposition des promoteurs de projets relevant des secteurs autorisés dans les zones industrielles.
• Céder des lots faisant partie du plan de lotissement aux promoteurs de projets désirant s’implanter moyennant le paiement d’une avance sur le prix final et donner autorisation pour bâtir, avant l’achèvement des travaux d’aménagement.
• Céder les lots industriels ou vendre ou louer les locaux prêts à l’emploi au profit des jeunes promoteur et aux promoteurs d’une Startup et aux diplômés des centres de formation professionnelle ou ayant des aptitudes professionnelles, et ce, avec des conditions simplifiées et des superficies déterminées par arrêté du ministre chargé de l’industrie.
• Affecter des lots pour l’implantation de stations d’épuration conformément au programme d’aménagement de l’Agence. L’Office national de l’assainissement procède à la réalisation et l’exploitation des stations d’épuration dans les zones industrielles appartenant à l’Agence foncière industrielle financé par l’Etat.
• Procéder à la maintenance et à la réhabilitation des zones industrielles, et ce, en l’absence de groupement de maintenance et de gestion et de toutes autres structures intéressées, chaque fois que nécessaire.
25- Assouplissement des procédures relatives à la réalisation de zones industrielles à travers l’exemption des terrains destinés à l’aménagement des zones industrielles d’une superficie inférieure ou égale à 100 hectares, de l’établissement d’un plan d’aménagement détaillé et doté seulement d’un plan de lotissement. Et simplification des procédures de création des lotissements industriels dont la superficie est supérieure à 100 hectares, considère comme réserves foncières industrielles.
26- Exemption de l’application des procédures de déchéances des promoteurs industriels ayant acquis des lots de terrain dans les zones industrielles appartenant à l’Agence foncière industrielle avant la fin de l’année 2020 et ayant atteint une phase avancée dans la réalisation de leurs projets sans entrée effective en production dans les délais légaux, et ce, dans un délai n’excédant pas une année à compter de la date de publication du décret-loi n° 2022-68 du 19 octobre 2022.
27- Retrait des arrêtés de déchéances en faveur des promoteurs ayant réalisé leurs projets ou ayant achevé les travaux de construction et justifié l’achèvement des travaux de construction par un plan de masse établi par un géomètre expert.
28- Permettre aux entreprises publiques et privées des pôles technologiques de:
• Aménager et développer des zones industrielles intégrées de soutien à l’espace du pôle et dotées de toutes les installations nécessaires à l’implantation de projets et la construction de locaux industriels suivant la demande, destinés à la vente ou à la location et leur mise à la disposition des promoteurs de projets dans les secteurs autorisés en zones industrielles.
• Céder dans la limite de 50% de la superficie de la zone de production située à l’intérieur de l’espace du pôle, à condition que le produit de la vente soit utilisé pour la construction des bâtiments industriels et projets d’investissement en recherche et innovation dans la partie restante.
• Bénéficier des incitations financières et fiscales accordées aux projets d’intérêt national et prévues par la loi n° 2016-71 du 30 septembre 2016 portant loi de l’investissement. Il est interdit de cumuler ces incitations avec les avantages précédemment obtenus dans le cadre du code d’incitation aux investissements.
• Bénéficier de la cession, de gré à gré, les réserves foncières industrielles après changement de leur vocation, au profit de ces entreprises selon un prix fixé par un expert relevant du ministère chargé des domaines de l’Etat sur demande du ministère chargé de l’industrie.
• Bénéficier de la cession au dinar symbolique des terrains relevant du domaine privé de l’Etat ou des biens des collectivités locales au profit de ces entreprises.
29- Régularisation relative au changement de vocation des terres agricoles sur lesquelles sont implantés des projets industriels avant la publication de ce décret-loi, par arrêté conjoint du ministre chargé de l’agriculture et du ministre chargé de l’urbanisme, à charge de respecter des conditions et critères qui reposent sur l’importance de l’investissement, la capacité d’emploi, la régularisation de la situation fiscale de la société titulaire du projet, la préservation de l’environnement. L’Instance tunisienne de l’investissement fixe la liste des projets concernés par cette disposition, laquelle est approuvée par le Conseil supérieur de l’investissement.
3) Relance de l’investissement dans les secteurs de l’habitat et de la promotion immobilière
30- Autorisation des investisseurs de nationalité étrangère d’acquérir des logements dont le prix est supérieur à un montant déterminé par décret et selon des conditions fixées par décret.
31- Permettre à l’Agence foncière d’habitation de :
• Acquérir des terrains appartenant au domaine privé de l’État ou des collectivités locales à un prix préférentiel, en contrepartie de la mise à disposition de zones urbaines aménagées et de l’attribution d’une partie des lots au profit des catégories à faible revenu.
• Créer et aménager des zones urbaines intégrées équipées de toutes les installations nécessaires, et céder aux promoteurs immobiliers publics et privés des terrains avant l’achèvement de l’aménagement moyennant le paiement d’une avance sur le prix final afin de leur permettre d’entamer la construction dans le cadre d’un programme d’habitat intégré visant à répondre aux besoins de toutes les catégories sociales et en particulier des catégories à faible revenu.
• Bénéficier d’un financement de l’État pour la réalisation des infrastructures extramuros et des stations d’épuration dans les périmètres d’intervention de l’Agence foncière d’habitation couvertes par des plans d’aménagement urbain.
• Faire bénéficier les terrains destinés à l’aménagement des zones urbaines dont la superficie est inférieure ou égale à 50 hectares et qui sont programmés par l’Agence foncière d’habitation, de l’exemption de la préparation des plans d’aménagement détaillé. Seule l’élaboration de plans de lotissement est requise.
• Créer des lotissements d’habitation sur des terrains supérieurs à 50 hectares, après changement de leur vocation et approbation des projets de plan d’aménagement détaillé y afférente par une commission technique dénommée commission des agréments.
4) Les mesures transversales pour l’accélération de l’investissement
32- Permettre aux promoteurs des Zones franches commerciales exerçant, conformément à la législation y afférente, de bénéficier des incitations financières et fiscales accordées au profit des projets d’intérêt national, prévus par la loi n° 2016-71 du 30 septembre 2016 portant loi de l’investissement.
33- Création d’un organe de défense commerciale pour la protection de l’industrie tunisienne contre les pratiques les pratiques déloyales à l’importation.
34- Permettre aux investisseurs étrangers d’obtenir une carte de séjour:
• Pour une durée de 5 ans renouvelable suite à la déclaration d’investissement auprès des structures d’investissement intéressées et le dépôt de la fiche d’investissement auprès de la Banque centrale de Tunisie.
• Pour une durée de 10 ans renouvelable s’il remplit les conditions qui sont fixées par décret.
• Peuvent bénéficier de cet avantage, les investisseurs résidant en Tunisie et les cadres étrangers employés dans le cadre des projets réalisés, sous réserve de satisfaction des mêmes conditions susmentionnées.
35- Permettre aux projets d’investissements de poursuivre de jouir des incitations financières prévues par la loi n° 2016-71 du 30 septembre 2016 portant loi de l’investissement, en cas de transmission des projets sur la base du dépôt d’une déclaration d’investissement auprès des structures chargées de l’investissement, à condition de l’approbation de ces structures et l’engagement de l’investisseur cessionnaire de poursuivre l’exploitation dans le délai restant de la période de dix ans à compter de la date d’entrée en activité effective du projet et selon les mêmes conditions auxquelles ces incitations ont été accordées.
36- Création auprès du ministre chargé de l’investissement de la fonction du médiateur de l’investissement qui sera chargé de la mission de médiation avant la phase d’ester en justice entre investisseurs et organismes publics en vue de résoudre les problèmes et conflits qui pourraient surgir entre eux.
37- Obligation pour les organismes publics de transmettre les projets de texte législatif et réglementaire ayant un impact sur le développement économique et social au ministère chargé de l’économie et de la planification accompagnés de toutes les données et justifications ayant servi pour la préparation des projets de texte sus mentionnés.
38- Création auprès du ministre chargé de l’économie et de la planification une unité consultative chargée d’émettre obligatoirement un avis concernant les projets de texte juridique et règlementaire prévus au premier alinéa du présent article.
Slim Besbes