Il y a 45 ans… dans La Gazette La Faculté de Médecine est sur les rails
« La Faculté de Médecine est sur les rails ». Son doyen, le professeur Abdelhafidh Sellami l’affirme sans laisser l’ombre d’un doute. Il est vrai que la tunisification du cadre enseignant, le renforcement de l’environnement scientifique et la préparation des structures hospitalo-universitaires pour un meilleur accueil des étudiants demeurent ses principales pré-occupations. Mais l’essentiel est déjà fait.
Lorsque nous avons rencontré le Doyen au mois de septembre dernier à la veille de la rentrée, l’impression première que nous eûmes de lui était celle d’un militant enthousiaste et passionné. Le langage clair (ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement). Il faisait montre d’une volonté irrésistible et était prêt à tous les sacrifices pour voir cette faculté naître. Cette naissance a bien eu lieu, mais c’est au prix de tant d’efforts, de tant de sacrifices et de tant de sueur. Le cadre enseignant a été sollicité grâce à ses propres relations personnelles. En venant enseigner à Sfax, ces éminents professeurs ne cherchaient ni la gloire, ni la notoriété et ni l’argent. Leur seule motivation est de prendre part, à côté de leur élève et ami, à côté expérience enrichissante qu’ils ont à cœur de voir réussir. Trois mois après, nous rencontrons M. Le Doyen, non pas pour dresser le bilan, mais plutôt pour une première « prise de tension ». Cette rencontre qui s’est déroulée en présence du camarade Mustapha Mnif, membre de la commission administrative de l’U.G.E.T.. et président de l’Organisation internationale de la jeunesse islamique, est intéressante à plus d’un titre.
Tunisifier les cadres
La première impression qui se dégage est que l’homme n’est plus le même. La naissance de la Faculté et le démarrage des cours l’ont bien changé. Pour lui, l’essentiel étant fait, il ne s’agit que de poursuivre les efforts et de s’intéresser aux autres questions. Loin d’afficher une auto-satisfaction pourtant méritée, il se mure derrière un silence de modestie et refuse tous les honneurs dûs à son rang. A-t-il des problèmes ? Certainement ! La tunisification du cadre enseignant lui tient à cœur. « Une grève générale en France peut nous paralyser ». Il faut penser alors à des professeurs tunisiens qui prendront la relève et assureront les cours. Auparavant, il prévoit une étape transitoire d’enseignants français résidant à Sfax. Les courtes missions des professeurs assurer une partie des cours seront très rares, puisque certains de leurs meilleurs assistants et collaborateurs seront fixés à Sfax. La dernière étape de la tunisification sera celle où les professeurs tunisiens, à l’issue de leurs études en médecine et en sciences fondamentales assureront la totalité des cours. Il faut cependant que les médecins s’intéressent d’ores et déjà aux sciences fondamentales pour pouvoir enseigner à la Faculté. De même, il faut que les diplômes des sciences fondamentales (physique, chimie, etc…) s’intéressent eux aussi à la médecine et suivent des cours pour pouvoir enseigner.
Le deuxième souci du Doyen Sellami est relatif à l’environnement scientifique. Usant de son jargon médical (déformation professionnelle !), il nous a expliqué que la Faculté de Médecine isolée de son milieu scientifique est condamnée à l’étiolement sinon à la mort tout comme une cellule éloignée du corps humain. Cependant, les dernières nouvelles laissent répandre une note optimiste puisqu’on prévoit le démarrage en octobre prochain à Sfax de la Faculté des Sciences. Cette promiscuité sera très heureuse et ne fera que consolider l’environnement scientifique.
La troisième préoccupation concerne la préparation des structures hospitalo-universitaires pour accueillir les futurs médecins et abriter leurs stages. « La formation d’un médecin se fait essentiellement au chevet du malade, dans le cabinet du diagnostic et dans la salle d’opération. L’hôpital est donc un lieu très important dans la vie de l’étudiant-médecin. « C’est pour cela que M. le Doyen accorde un intérêt particulier à la structure hospitalière et participe énergiquement à la conception d’une organisation meilleure. Très optimiste, – décidément c’est un doyen optimiste – à l’égard de l’amélioration des conditions de l’hôpital de Sfax, il s’est félicité de la rapide évolution enregistrées depuis quelques mois.
Nous quittons le domaine scientifique pour aborder l’environnement social de la Faculté. Comment réagissent les étudiants ? Quelle est l’impression des professeurs ? Quel rang social occupe le Doyen ? Quelle est la nature des rapports étudiants-Doyen ? Et autres questions que M. Mnif a bien voulu poser.
Créer des traditions
Les questions sont nombreuses mais la réponse est unique. «Nous somme en train d’instaurer des traditions universitaires ». Silence. Le verbe magique fait son effet… Puis la langue se déliant, il nous révèle que les professeurs sont très contents du niveau des étudiants et de leurs sérieux. « Il y a une grande proportion de gens valables », lui ont-ils confié. De son côté, il n’a pas pu s’empêcher de constater avec plaisir l’assiduité des étudiants et l’intérêt qu’ils portent à leurs études « Nos rapports ont toujours été et seront toujours des rapports de collaboration. Les étudiants sont pour moi les partenaires de cette expérience dont le succès ne dépend que d’eux ». Anti-bureautique par excellence, et encore jeune pour se rebiffer derrière les honneurs, le Doyen n’hésite pas à descendre dans la cour pour se mêler aux étudiants et discuter avec eux. L’ambiance est alors excellente.
Pour le reste, les traditions sont à créer. Sfax n’a pas l’habitude des Facultés, des étudiants, des professeurs et des doyens. Mais elle commence à s’y faire.
Un dernier mot ? « Hommage aux professeurs enseignants qui, totalement désintéressés, nous apportent une contribution capitale, satisfaction et de la bonne ambiance des cours, et optimisme quant à l’avenir ». La phrase est percutante mais elle n’est pas une boutade.
Taoufik Habaïeb