L’avenir urbanistique de Sfax à l’horizon 2050 Développement, Aménagement Durables
Les initiatives réalisées au nom du développement durable sont souvent critiquées pour leur prise en compte insuffisante des avis et des enjeux locaux, accusés de se contenter de reproduire des bonnes pratiques décontextualisées. C’est particulièrement le cas dans les pays arabes.
S’il est une question d’importance capitale qui mette d’accord les différentes parties prenantes en Tunisie, c’est bien celle des inégalités sociales et régionales observées à travers le pays qui conditionnent inévitablement sa stabilité et son développement. La correction ou du moins l’atténuation de ces inégalités a d’ailleurs été consacrée dans la nouvelle constitution de la République Tunisienne de 2014 et figure en outre parmi les objectifs premiers de la stratégie de développement couvrant la période 2016-2020. Pour y parvenir, il devient impérieux de mettre en place un système cohérent d’informations relatives aux inégalités sociales et aux disparités régionales.
Les disparités socio-territoriales représentent un problème majeur en Tunisie dont les pouvoirs publics sont conscients depuis de nombreuses années. D’ailleurs l’injustice sociale a été l’un des principaux moteurs de la révolution qui a éclaté en 2011. Toutefois, les solutions pour y remédier tardent à se mettre en place depuis. Force est de constater que le pays n’arrive toujours pas à s’affranchir des anciens schémas socio-économiques et des équations héritées de la période pré-révolution, notamment pour ce qui est du partage et de la répartition des richesses. L’injustice sociale donnant toujours lieu à un fossé
régional incessant qui marginalise une large frange de la population, nous procéderons dans cette partie à la construction d’un éventail d’indicateurs aptes à donner une vision assez globale de la réalité des inégalités dans le pays, permettant de la sorte, d’établir une vue d’ensemble de la discrimination entre les différents gouvernorats.
Ainsi, Sfax devient ainsi une ville de seconde importance et perd son statut de capitale du Sud et du second poumon économique du pays et perd par conséquent le rôle de locomotive de toutes les régions limitrophes. Ce découpage, qui est toujours en vigueur, est la manifestation tangible du plan machiavélique pour marginaliser la seconde ville du pays, une ville rebelle et qui ne s’est jamais alignée sur les tyrannies successives. La façade littorale sfaxienne a été vouée, dès la fin des années 1940, à des industries et équipements polluants, dont les résidus occupent de vastes étendues aux portes de la ville : dépôts de phosphogypse, décharge municipale, dépôt de margine (résidus de l’extraction d’huile d’olive). Les remblais destinés à l’extension du port et les infrastructures de transport, notamment le chemin de fer, contribuent à couper la ville de la mer, interdisant les pratiques de loisir et de détente (interdiction de la baignade à partir de 1978).
Dans ce contexte l’Association du Développement Durable de Sfax (ADDS) a démontré la configuration de la ville de Sfax depuis 1887 et les principales transformations qu’elle a subies (1943, 1979) aux plans architectural, environnemental et de développement se référant à une série d’études sur la ville. De son coté, le président de l’ADDS, Abdelmajid Khemakhem a, toujours, mis l’accent, lors de ses interventions, sur la nécessité d’entamer une large réflexion sur l’avenir lointain de Sfax et les difficultés qui entravent le développement durable de la ville. Ces difficultés, a-t-il précisé, ont fait de Sfax «une ville tentaculaire et désorganisée» où les problèmes de transport et l’invasion des espaces verts par le béton constituent les principaux défis auxquels doit faire face toute tentative de repenser l’avenir urbain de la région. Il a, évoqué autant la «marginalisation» et la «dégradation» de la situation de la Médina et de l’ancienne ville, lesquelles constituent le centre historique de Sfax et comportent d’importants monuments et édifices d’une grande qualité urbaine et architecturale.
Le cœur de la ville de Sfax devrait s’ouvrir davantage sur la Méditerranée en prenant la Médina comme point de départ et en exploitant les emprises foncières qui s’offrent sur la côte au niveau de la zone Taparura, à Sfax. En effet, l’économie bleue est une approche globale de toutes les politiques, stratégies et plans d’actions adoptés maritimes dans le monde et ou dans un pays déterminé. Elle considère que tous les mers et océans comme un des moteurs de développement, d’innovation et de croissance de l’économie nationale et internationale. Elle permet de mieux gérer les activités en mer, d’assurer une bonne surveillance maritime, de mieux sécuriser la navigation au large des côtes et de revitaliser les secteurs traditionnels d’exploitation des richesses marines et de promouvoir les domaines émergeants y rattachés, source d’emploi et de croissance.
Le président de l’ADDS, Abdelmajid Khemakhem, a souligné d’autre part l’intérêt et l’opportunité de la thématique de point de vue scientifique, empirique et pour l’économie eu égard aux inestimables richesses que recèle le milieu marin et qui peuvent être une “source de satisfaction” des besoins multiples de la société. Il a mis l’accent sur le problème l’exploitation excessive mais parfois insuffisante du potentiel marin et des recherches et études réalisées par les nombreux centres et unités de recherches que compte le tissu universitaire de la région de Sfax.
Pour lui, la croissance bleue devrait être une stratégie à long terme avec pour objectif de soutenir la croissance durable dans les secteurs marins et maritimes dans leur ensemble. Elle se compose de deux volets : les mesures spécifiques de politique maritime intégrée et une approche ciblée d’activités spécifiques. S’agissant des mesures, elles consistent en une connaissance du milieu marin avec une nécessité d’améliorer l’accès aux informations sur la mer, la gestion efficace et durable des activités en mer et surveillance maritime intégrée.
Le retard du développement de Sfax n’a pas été le fruit d’un hasard mais d’une politique pensée, réfléchie et loin d’être innocente. Maintenant la donne politique a changé et l’équité entre les régions est possible. Sfax doit reprendre son rôle de capitale du sud et redevenir le second poumon économique de la nouvelle Tunisie, un poumon dont la Tunisie a grandement besoin en ces temps très difficiles. Ce rôle elle a les moyens de l’assumer. Cela est possible grâce à une culture du travail et du travail bien fait et un fort esprit d’entrepreneuriat mais cela ne se fera pas sans une mobilisation et une solidarité entre Sfax la ville avec son arrière pays et entre la région de Sfax et toutes les régions du centre et du sud.
Il est grand temps de repenser notre modèle de gouvernance et de développement régional avec comme objectifs une vraie autonomie, une solidarité et une complémentarité de toutes les régions de la Tunisie.
Jihen Mathlouthi