Brefs propos sur la vie culturelle au temps du COVID-19
Se cultiver en restant chez soi !
Confiné, pendant de longues journées, parfois tout seul, sans parler à personne. Comment combler ce vide engendré par cette associalisation forcée, légalement imposée ? Certains ont essayé toutes sortes d’amusement : gastronomie, méditation, jeux vidéo, ou bricolage. Les passe-temps ne manquent pas. Or, qu’en est-il de ceux dont l’âme est assoiffée de savoir, de l’art, et de la culture d’une manière générale ? Plus de bibliothèques, plus de salles de ciné ou de théâtre. Les espaces culturels ont depuis l’invasion du Covid-19, fermé leurs portes. La vie culturelle, n’est pas par contre strictement tributaire de l’accès à ces espaces. La culture n’est pas un lieu, c’est une nécessité. Bref, elle est la vie. La vie culturelle continue sous d’autres formes, avec une ampleur et sur des supports différents. Peut être même, la vie culturelle ne s’est jamais épanouie de la sorte.
Le numérique et la disruption de la vie culturelle à l’heure du confinement
Vous n’aurez plus besoin d’aller au cinéma pour voir un film. En quelques clics de clavier, vous accédez à des milliers de films diffusés en streaming. Les concerts musicaux, les opéras, les orchestres les plus prestigieuses, et tant d’autres playlists sont gratuitement accessibles sur Youtube, Soundcloud, ou sur une myriade d’applications mobiles. Pour les livres, alors là : c’est la fête pour les bibliophiles. Ecrivez n’importe quel titre sur Google, et vous pouvez le télécharger d’une manière, ou d’une autre. Cela dit, l’accès à ces bijoux culturels n’est pas toujours légitime, légal. Pour la simple raison que les droits d’auteur, les copyrights doivent être respectés. Bonne nouvelle ! En ces temps de corona virus, les titulaires de ces droits ont fait preuve d’une générosité incommensurable. Plusieurs maisons d’édition proposent le téléchargement gratuit des livres électroniques. Des chaînes payantes désormais publiquement accessibles, sans abonnement. Vous pouvez visiter le musée du Louvre ou le musée d’Orsay et les galeries d’art de chez vous (la galerie virtuelle Manarat par exemple), sans avoir à voyager ou obtenir un visa touristique. Le numérique n’a jamais été d’une grande utilité. Tant que vous aurez un écran, et une connexion internet, réjouissez-vous.
Pour venir maintenant à l’essentiel, les réseaux sociaux ! Evidemment, des moyens de communication devenus vitaux dans l’ère du digital, mais aussi, ils se sont transformés en une plateforme culturelle sans pareil. Tout le monde a laissé libre cours à ses talents. Non seulement les artistes et les écrivains mais aussi les profanes qui s’en sont servis, soit pour inciter les gens à rester chez eux, ou bien surtout pour ne pas se sentir seul, voire socialement débranché face à cette culture en temps de crise.
Les « Lives » pour inciter les gens à rester chez eux..
La Tunisie compte 7 millions et 600 mille comptes Facebook, soit le réseau social le plus actif, surtout dans l’aprés-révolution, en étant le plus fréquenté et le plus influent aussi. Chaque soirée, les internautes ont un rendez vous avec une célébrité, ou même plusieurs. La première vague des « lives » à succès était déclenchée par l’icône des réseaux sociaux la danseuse Nermine Sfar, et son fameux appel irrésistible : « Restez chez vous, et je danserai !». Sans surprise, le nombre des vues de son Live a dépassé de loin le discours du Président de la République et celui du chef du gouvernement. Heureusement, ce n’était qu’un phénomène éphémère. Bon, quand la santé publique est en jeu, danse qui peut ! Ensuite, plusieurs artistes, et écrivains ont rejoint cette tendance devenue avec le prolongement du confinement obligatoire un rituel quotidien.
Bibliophiles, artistes et écrivains au rendez-vous.
Nombreux ceux les clubs de lecture qui proposent des rencontres directes avec des écrivains tunisiens, pour parler de leurs livres et répondre aux questions des lecteurs. A ne citer que « Lecteurs sans frontières », « Les passionnés des livres de Sousse », «Medina book club » et tant d’autres bibliophiles, booktubeurs et bookinstagrameurs, parmi lesquels on cite Sonya Ben Behi, et Fares Ben Souillah. De même, l’écrivain Kamel Riaihi, a lancé une nouvelle émission sur Youtube, baptisée « La librairie », à travers laquelle, il partage avec les lecteurs certains titres de sa bibliothèque, et il y invite certains auteurs tunisiens.
Quoi de mieux que de rester chez soi et de lire des livres, pour reprendre les propos du Président de la République française Emmanuel Macron lors de son discours du 16 mars 2020, d’autant plus que les livres sont d’ores et déjà universellement accessibles, et pour ceux qui préfèrent encore le papier, plusieurs librairies qui ont tiré leurs rideaux, ont opté pour la livraison à domicile via leurs sites ou pages sur les réseaux sociaux.
Des minis-séries ont aussi vu le jour, au cours de la période de confinement, comme celle réalisée par l’acteur et le réalisateur Nejib Belkhadhi. Une série très saluée par le public, et ayant pour invités des acteurs tunisiens de renommée comme la vedette Hend Sabri et l’acteur Dhafer Abbedine…Des comédiens mais aussi des conteurs, ont été mobilisés pour adoucir un tant soit peu l’état d’angoisse qui plane sur la Tunisie et sur le monde en général depuis d’interminables semaines, ravageant les vies et bouleversant l’équilibre des forces économiques.
La vie culturelle n’a été, paradoxalement, jamais aussi riche que pendant cette période de confinement. Malheureusement, le secteur culturel va sans doute subir, les conséquences désastreuses inhérentes à cette crise. L’UNESCO a récemment lancé un appel aux ministres de la culture à travers le monde, afin qu’ils prennent en considération les impacts de cette pandémie sur les acteurs de la vie culturelle. Les dégâts seront, semble-t-il, énormes. Espérons qu’on en sortira indemne, plus cultivé et surtout solidaire !
Esleme Hadj Sassi