Misanthropie justifiée
Je ne monterai pas l’arche de Noé,
la foule dépasse mes visions,
piétine mes perspectives,
le Ciel n’admet pas mon insurrection,
Le monde se blottit, s’amoindrit
sur un pont de bois cru,
le vacarme rompt l’échine de l’humanité,
la sueur lubrifie le front du bateau
et l’âme glisse entre ses fentes..
On lève le guidon,
Noé attend dans hauteurs, dans le vent,..
Je ne monterai pas,
je ne suivrai pas un monde
qui laisse la vie éventrer
un pigeon cher à son espace,
qui épargne la rancune
dans ses poches oculaires,
qui froisse les dessins d’un petit enfant
Réalisés à main cocinellisée de cravache,
un monde qui prononce le non-recommandable par les pères,
un monde qui ne remercie pas le raisinier pour ses offres estivales,
un monde qui aplatit le front digne contre les portes,
un monde qui gronde aux grains de la terre,
un monde qui raconte l’Enfer de Dante
au chevet d’un grabataire,
un monde qui ne vénère que le creux de sa paume,
je ne monterai jamais,
Je me creuserai une tombe aquatique
ou j’échapperai à l’apocalyptique
seul comme tant est resté le poète
dans les champs ou parmi les galettes
dans la non-forme je vivrai
loin de l’Homme, de ses yeux,
de son rose hideux,
de ses ongles et de ses lieux,
je déboiserai le trèfle de la généalogie
et je laisserai la vie odieuse aux survivants,
je vivrai dans un nihilisme profond,
prophétique..
puis je mourrai, ô victorieux
ô humain comme personne,
heureux de ma vie.