Scandale de la Dépakine: Sanofi devra verser 450’000 euros à une famille dont le bébé est né handicapé
Le groupe pharmaceutique français a été condamné pour la première fois dans un dossier individuel. Dans la notice de son antiépileptique, le labo aurait dû ajouter le risque d’autisme pour le fœtus.
Une première dans un dossier judiciaire individuel: Sanofi a été condamné en France à indemniser à hauteur de 450’000 euros une famille dont la fille, exposée à la Dépakine in utero, est née en 2005 avec des malformations. Le tribunal de Nanterre a estimé que le risque de troubles autistiques en lien avec le médicament était connu du laboratoire français, au moins en 2005, et qu’en conséquence cela devait être mentionné dans la notice. Le groupe pharmaceutique a fait appel de la décision.
La mère, suivie pour des crises d’épilepsie, a pris ce médicament depuis 1982, y compris pendant sa grossesse. Les médecins ont noté un «retard d’acquisitions global» chez sa fille lorsqu’elle avait 7 mois. Des retards de développement psychomoteurs ont été ensuite observés durant toute son enfance. En 2014, ses parents ont assigné Sanofi devant la justice.
Informer plus clairement
Utilisé depuis 1967 dans le traitement de l’épilepsie et des troubles bipolaires, le valproate de sodium (principe actif de la Dépakine) augmente le risque de malformations physiques et de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants exposés dans le ventre de leur mère. Selon le jugement, Sanofi a reconnu avoir eu connaissance dès 2003 des risques en particulier neurodéveloppementaux, et il avait donc dès lors le devoir d’informer plus clairement les patients.
Dès cette année-là, le groupe «a estimé que ces signaux justifiaient de demander à l’Autorité de santé d’ajouter dans la rubrique Grossesse et Allaitement la mention de ces risques», selon la décision. Ces propositions de modification sont «incomplètes» et «insuffisantes», selon la famille, jugeant que la formule préconisée par le laboratoire en 2003, à savoir «Prévenez votre médecin en cas de grossesse ou de désir de grossesse», «ne peut absolument pas constituer une information des patientes sur les risques liés à une grossesse».
Le risque n’a été précisé sur la notice que trois ans plus tard
C’est seulement en 2006 que la notice déconseillera la Dépakine pendant la grossesse et préconisera la consultation rapide d’un médecin en cas de découverte d’un tel état, précise la décision. À la date de la grossesse de la plaignante, en 2004, «il en résulte que la Dépakine ne présentait pas la sécurité à laquelle la mère pouvait légitimement s’attendre», estime la décision.
Selon Sanofi, le tribunal a relevé que le laboratoire avait «bien saisi l’Autorité de santé de plusieurs demandes de modification des documents d’information, y compris de la notice patient», a indiqué samedi le groupe. «Cependant, le tribunal n’a pas tiré les conséquences vis-à-vis du laboratoire des refus de l’Autorité de santé de l’époque de prendre en compte les modifications demandées», regrette le groupe.
Un tournant pour les enfants victimes de la Dépakine
«Cette décision de condamnation du laboratoire marque un tournant pour la reconnaissance individuelle de chacun des enfants exposés à la Dépakine», a réagi l’avocat de la famille, Me Charles Joseph-Oudin. À Nanterre, ce dossier est le premier d’une longue série. En tout, le tribunal est saisi de 23 dossiers au civil dont un regroupant 272 demandeurs, selon une source judiciaire. Quatre autres affaires d’enfants nés en 1989, 2005 et 2006 seront jugées jeudi.
Une action de groupe lancée en 2017 par l’association de victimes Apesac a aussi été jugée recevable par le tribunal judiciaire de Paris. Le laboratoire a annoncé faire appel. Sanofi a parallèlement été mis en examen en 2020 pour «homicides involontaires» dans la partie pénale du dossier.
Le nombre d’enfants handicapés à cause du valproate de sodium est estimé entre 15’000 et 30’000, selon plusieurs études.