Une rencontre fortuite avec Fayçal Bouagga Un ciné-bibliophile hors pair
Il est de plus en plus rare de rencontrer un jeune avec une culture générale encyclopédique. Un phénomène en régression malgré l’accessibilité de l’information grâce au grand maître de la connaissance au troisième millénaire : Google et ses dérivés ! Or, paradoxalement l’intrusion des réseaux sociaux dans notre vie, a intensément altéré les goûts et les aptitudes de la jeunesse, qui ne lit presque plus, et se contente de balayer les écrans de leurs smartphones ou IPads en quête d’un passe temps sans importance, et le cas échéant, elle sera la proie idéale des livres et des films commerciaux, à faible apport «cognitif» ou «artistique» à l’image des fast-foods, engendrant ainsi une désertification intellectuelle lamentable et un désintérêt quasiment total vis-à-vis les sciences humaines, l’art et la culture d’une manière générale.
Le jeune Fayçal Bouagga, fait partie de ces exceptions qui ont choisi de ne pas suivre le courant de la médiocrité générale et d’élargir depuis son enfance l’étendue de ses connaissances, en matière d’histoire, de littérature et de cinéma, sans compter ses contributions enrichissantes en matière de sensibilisation dans le domaine des sciences agro- alimentaires.
Fayçal était l’un des intervenants dans le séminaire organisé récemment au Café Balkis, concernant la lutte des Sfaxiens contre la colonisation française et les événements de juillet 1881. Il a présenté certaines dates importantes de l’époque en faisant preuve d’une magnifique aptitude de présentation et un sens d’humour développé. Il s’agit de sa deuxième intervention cette année pour parler du patrimoine et de l’histoire de Sfax, en tant que membre dans l’association Sfax el Meziena en emboîtant de ce fait les pas de plusieurs jeunes, dont l’empreinte dans la valorisation de la médina et de ses anecdotes, est indéniable à l’instar de Ahmed Charfi, l’un des jeunes qui l’ont beaucoup inspiré ces dernières années, et du jeune activiste polyvalent Zaher Kammoun.
La vulgarisation des connaissances scientifiques
Actuellement, il a réussi sa première année de Mastère professionnel en marketing et innovation alimentaires, après l’obtention d’une licence en sciences alimentaire et génie des procédures à l’institut supérieur de biotechnologie de Sfax. Quoi qu’il n’ait pas opté pour cette spécialité en premier lieu, il a beaucoup apprécié ce domaine, dont les horizons sont de plus en plus prometteurs, surtout en matière de contrôle de qualité dans le domaine de l’industrie alimentaire.
« J’ai essayé de partager mes connaissances en matière d’industrie alimentaire avec tout le monde à travers la vulgarisation de certains processus complexes de fabrication de charcuterie, de produits laitiers par exemple, afin de sensibiliser les consommateurs aux dangers de certaines matières nocives pour la santé, la conservation des légumes…
Mes articles ont eu beaucoup de succès auprès du public. Ce qui m’a encouragé à aller plus loin dans cette voie de partage de connaissances académiques et de sensibilisation ».
La lecture : Une punition qui s’est convertie en passion ! « Je suis très intéressé par l’histoire, j’ai dévoré un tas de livres en la matière depuis l’école primaire. J’ai même beaucoup de brouillons de livres illustrés et commentés sur l’histoire des civilisations. Ma passion pour l’histoire était liée à une autre : la lecture. Je passe la plupart de mon temps libre à lire. Au départ, c’était les magazines pour enfants comme Mejed, un magazine qui a accompagné plusieurs générations de jeunes lecteurs dans le monde arabe. Quand ma mère est allé travailler au Sultanat d’Oman, mon père s’est occupé de nous. Comme j’étais hyperactif, il m’avait puni en me condamnant à rester à la maison pour un certain temps. C’est à la faveur de cette punition que j’ai découvert le charme de la lecture et de l’histoire. J’ai précocement découvert les œuvres de Goeorgy Zayden, les classiques de la littérature arabe : Nejib Mahfoudh, Taha Hussein etc.. Ensuite, avec le club « Que lis-tu aujourd’hui ? » de Sfax, je me suis ouvert sur d’autres auteurs, d’autres genres, tout en me focalisant sur les thématiques ayant trait à l’histoire des empires, et plus récemment à l’histoire de la Tunisie. Ma touche personnelle, consiste notamment dans l’adaptation des grands événements de l’histoire en les insérant dans des scènes humoristiques, comiques tirées des films ou créées à cette fin, pour simplifier un peu l’information».
Les « Masterpieces » du cinéma revisités .Il faut noter qu’il lisait des dizaines et des dizaines de livres par an, en
présentant un résumé et une approche critique de chaque livre. Ses contributions dans les groupes de lecture tunisiens sont marquantes ces dernières années. Fayçal, est aussi un cinéphile avec un goût raffiné.
Grâce à lui, on pourrait découvrir les masterpieces du cinéma international. « Cet amour naissant pour le 7 ième art, m’ a permis de découvrir de précieux films réalisés par des sommités du 7 ème Art, aux Etats Unis, au Suède, au Japon, en Espagne ou en Italie. J’ai eu la chance de regarder et de partager des chroniques sur des films écrits ou réalisés par Stanly Kubrick, le japonais Akira Kurasawa, l’espagnol Luis Bunuel, le metteur en scène suédois Ingmar Bergman, le réalisateur italien Martin Scoresese, et par le scénariste et réalisateur britanico-américain Christopher Nolen. A côté du fameux « Godfather » (le parrain), Cinéma Paradiso, qui a emporté le grand prix du jury au festival de Cannes en 1989 et une longue liste d’autres prix, est l’un des films qui m’ont fortement touché. Un film qui évoque des souvenirs d’un passé oublié, d’une enfance lointaine, me rappelant les ruines de la maison de mes grands parents à Tozeur, ma ville d’origine, et la nostalgie de mon père en se remémorant d’un temps révolu et des éclats de rire estompés par le temps.. »
Eslème Hadj Sassi